Fin 2014, l’heure du bilan

Wassy

C’est la fin de l’année, l’heure du bilan ! Celui que je m’obstine à faire tous les ans, celui qui est suivi toujours des bonnes résolutions.

Ces instants de passage d’une année à l’autre portent en eux des souvenirs de l’année qui s’en va, ainsi que les espoirs pour l’année à venir.

Lorsque j’essaie de trouver un mot qui évoque le mieux 2014 pour moi, celui qui me vient à l’esprit, c’est « Fondation».

Les fondations sont un élément essentiel dans la stabilité d’une maison. Même si l’optimisme seul ne suffit pas à dicter l’avenir, j’ai l’impression que cette année m’a permis de fixer les premières bases, qui sont très déterminantes dans l’atteinte de mes objectifs à long terme.

Sur le plan professionnel,  dès le mois de Février, j’ai commencé à travailler pour une  organisation internationale dans le secteur de mes rêves : La communication. Ce travail est très passionnant, Il consiste en grande partie à créer des outils de dissémination des informations, orientés vers des communautés qui vivent  dans des zones d’urgences, et qui expriment des besoins de protection. Ce travail m’a permis d’acquérir une  nouvelle expérience dans la mise en place d’une stratégie cohérente de communication, qui puisse permettre par exemple à une grande mère analphabète de maitriser l’information sur les services de soutien disponibles dans son village en cas d’abus.

Mon travail a un grand impact sur ma vie de tous les jours. Il m’oblige à me remettre constamment en question et à me réinventer régulièrement. Je pense sincèrement que cela m’a aidé à grandir en tant qu’individu notamment grâce aux nombreuses populations que j’ai rencontré sur terrain, ainsi qu’à mes collègues.

En 2015, Je compte rentabiliser ces acquis, continuer à me concentrer sur la diversification de mes connaissances. Ceci implique que je devrais  rester attentif à des nouvelles opportunités pour continuer à manier les différentes faces de la communication.

Une de grandes expériences professionnelles de l’année, a été ma participation en juillet en Ouganda à un atelier de haut niveau sur le plaidoyer. Cet atelier m’a permis de comprendre les meilleures façons d’utiliser la communication pour inciter les changements des politiques auprès des décideurs. En 2015, J’aimerais continuer à approfondir mes connaissances dans le domaine de plaidoyer, tout en surmontant un défi professionnel majeur : « Apprendre l’anglais».

Sur le plan physique,  j’ai gardé une bonne santé. J’ai certes beaucoup travaillé, j’ai plusieurs fois escaladé les collines, dans les hauts plateaux d’Uvira ou dans le Sud Lubero, j’ai été  parfois épuisé, mais je suis resté fort. Je suis certes passé quelques fois récupérer quelques paracétamols chez le pharmacien, mais pas une seule fois, j’ai été interné à l’hôpital. En 2015, je vais continuer à rester attentif à ma santé, notamment à prenant toutes les précautions pour me protéger efficacement contre les maladies contagieuses et infectieuses.

Sur le plan intellectuel, j’ai atteint un de grands objectifs de l’année. Recevoir mon diplôme de communication dans un centre en Belgique est pour  moi une bonne fondation pour la carrière que je voudrais construire dans le long terme. En 2015, je sais que je suis prêt  à mettre les connaissances acquises au service des plus grandes responsabilités, notamment dans le cadre de l’entreprenariat.

Sur le plan affectif, J’ai eu la chance de partager des grands moments avec ma famille et des amis formidables. Être en présence de chacun de mes amis m’a fait réaliser comment la vie est belle. Certains rencontres m’ont fait réfléchir sur le fait que le bonheur se trouve en nous, et qu’il tient à des petites choses comme un sourire partagé sur une photo facebook.

Un de meilleurs souvenirs de 2014 est ces moments passés dans la même maison avec  3  de mes grands amis. Félicien, Kelvin et Justin m’ont appris à créer le bonheur par des gestes simples, comme exemple se taquiner dans un groupe Whatsapp interne de la maison.

Au delà des changements de dernière minute qui ont pris des airs de l’éruption émotionnel à un certains moments, je suis resté ouvert à l’amour et à ses différentes valeurs. J’espère que 2015 va apporter ces moment intéressant où l’on peut commencer à penser plus sereinement aux projets à venir. Un véritable cap dans la vie du jeune célibataire que je suis. Je prie fermement que Dieu m’accorde cette grâce.

Sur le plan social, je suis resté actif sur les medias sociaux, j’ai accru mon activisme sur twitter, et préciser la ligne éditorial. En 2014, j’ai décidé de twitter que sur des grandes questions de politiques en RDC, et sur les défis humanitaires au pays et dans le monde. J’espere continuer à developper mes competences dans l’utilisation du web 2.0.

En  2014, Je suis aussi resté très proche des initiatives de jeunes de Goma. J’ai été manager en février d’un projet intéressant sur l’implication des jeunes dans la consolidation de la Paix à travers les arts. Le projet « Vijana Kokoriko » a reuni 24 jeunes des pays des grands lacs autour des ateliers créatifs, et a eu des résultats tres apprécié, notamment par les bailleurs de fonds ainsi que les medias. Un autre projet similaire vient d’être financé, et sera lancé d’ici le début de l’année 2015, j’espère pouvoir continuer à apporter mon appui pour ces genres d’initiatives de paix.

Sur le plan du développement personnel, j’ai continué à explorer ma passion du voyage. En 2014, j’ai découvert le Burundi, ce beau pays situé sur le bord du lac Tanganyika. Je me suis aussi facilement accommodé aux différences dans des communautés au sein des nombreux villages du Nord et du Sud Kivu. Toutes les fois que j’ai voyagé, je suis resté attentif aux multiples leçons du chemin des voyageurs, comme par exemple : « il faut  voyager léger, pour que la paix t’accompagne sur la route ».

En 2015,  je voudrais continuer à avoir des opportunités de découvrir des nouveaux mondes. J’ai hâte d’aller dans des nouveaux coins d’Afrique et du monde.

En définitive, à titre personnel, je me mets la note de 6,5/10 pour définir mon année 2014. Que me réserve 2015? Malgré les faiblesses, et les échecs, je sais que suis bien parti, mais je sais aussi que la route est encore tres longue! J’espère tout simplement à une nouvelle année, encore plus épanouissante.

En attendant, Je nous souhaite donc à tous une année remplie de bonheur, de moments heureux et de partage.

Bonne année!

Comment le théâtre peut aider les filles à échapper aux mariages précoces

Ngezi Hoja, un jeune garçon de 14 ans, cheveux crépus, vient d’assister à une présentation de  théâtre effectuée par les jeunes de son village.  Au son du tambour des apprentis comédiens, Ngezi a dû traverser en courant la ruelle principale de son village, au bord de laquelle s’alignent en parallèle des petites  maisons blanches en pailles, avant de prendre la petite descente qui mène vers la cours de son école.  Des populations du village y ont fait un gros cercle pour suivre ce théâtre en plein air.

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« C’est la première fois que j’assiste à une  présentation de théâtre, j’ai beaucoup rigolé » m’annonce Ngezi Hoja en souriant.

Pendant trois jours, j’ai initié les jeunes du village Katanga au théâtre participatif afin de leur permettre de mobiliser leur communauté dans le cadre d’un programme de  protection communautaire et protection de l’enfance dans des situations d’urgence pour lequel je travaille. Au village Katanga, les jeunes ont composé des scènes de théâtre dans lesquelles ils  présentent la situation d’un homme, qui veut avoir des vaches pour payer ses dettes, et qui  décide de donner sa fille de 12 ans en mariage. Cette dernière encouragée par sa maman va se référer à la police locale pour dénoncer cet acte. La police intervient, et la  jeune fille  échappe au mariage.

« Je crois que les parents d’ici vont se rappeler des différentes scènes, et arrêter de marier leurs enfants qui n’ont pas encore dix-huit ans » m’explique Ngozi Hoja, en remontant les tirettes de son vieux pull rouge.

Le village Katanga est situé sur une petite colline. Pour y arriver, mes collègues et moi avons  du faire deux jours de marche à pieds en escaladant les hauts plateaux  d’Uvira dans la province du Sud Kivu à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC).

« Ici personne ne s’inquiète du mariage des enfants. Une de mes voisines a été mariée, ses parents ont pris la dote alors qu’il savait qu’elle avait encore à peine douze ans» raconte Ngezi sur un air triste.  Dans  ce village, le mariage précoce est  parmi les abus les plus fréquents contre les enfants, à côté du recrutement  des enfants dans les groupes armés, ou encore l’exploitation économique des enfants.

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« Je vois que le théâtre peut permettre le changement des décisions. Si quelqu’un a suivi ce théâtre, il aura peur de marier ou d’épouser un enfant » explique Ngezi. Le  théâtre  est efficace parce qu’il permet à la communauté de s’identifier aux personnages, et offre un espace de discussion où des attitudes nouvelles sont promus, notamment pour la protection des enfants.

« Les parents ne veulent pas que les filles aillent à l’école, ils nous soumettent à des travaux qui nous prennent tout le temps. Et après nous n’avons pas d’autres choix que de nous marier » s’est exprimée  une jeune fille lors de la présentation théâtrale, « faux » a  rétorqué un parent qui a assisté lui aussi à  la présentation « Les enfants veulent vite se marier, si on n’officialise pas vite leurs mariages, ils vont se faire engrosser par des jeunes gens,  et on va tout perdre ».

Dans cette partie de la RDC, occupée par une multitude de groupes armés, Ngezi pense  quant à lui que l’Etat peut jouer  un rôle important pour arrêter le mariage précoce des enfants. «  Si j’étais le commandant de la police, je mettrais tous ces hommes en prison, parce que tant qu’il n’y a personne qui est punie, les enfants vont continuer  à être amener au mariage ».

La loi congolaise punit le mariage précoce et le considère comme une de formes des violences sexuelles, mais l’absence de l’autorité de l’Etat dans cette contrée ainsi que la banalisation de cet acte par la communauté n’offrent pas aux jeunes filles des alternatives pour échapper aux mariages précoces et forcés. « Un homme qui veut épouser une  fille peut offrir jusqu’à 12 vaches aux parents de la jeune fille, qui peut se passer d’une telle richesse dans ce village ?»  s’est exclamé un leader local.

Ngezi espère  néanmoins que la situation pourrait changer, et rêve déjà d’un lendemain meilleur dans son village. «  Quand les vélos, les motos, et les voitures vont commencer à arriver ici,  c’est sera la ville, des nouvelles choses vont arriver,  et la vie va changer ».

En attendant, Ngezi brave chaque matin le froid sur la route de son école pour atteindre un jour un de ses plus grands rêves. «  Apres mes études, je veux être un directeur d’école ».

Le jour que j’ai su que j’étais juste un humanitaire

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Lundi 19 Novembre 2012, il est à peu près 14 heures à Goma, ville situé à l’Est de la République Démocratique du Congo. Couché à même le sol dans une petite pièce cadenassée, j’entends dehors des murmures  des voisins : « ils sont entrés, ils  passent par la grande route». Curieux, je trouve en fin le courage d’enlever quelques poussières sur mon blue Jean.

Depuis tôt le matin, je suis resté couché à même le sol pour me protéger contre la pluie de coups de balles et d’obus jetés sur la ville. J’ouvre doucement la porte. Curieusement en ce début d’après-midi, un petit soleil doux trône au-dessus de la ville. Le beau temps. Des nombreuses personnes se précipitent vers la route Sake, la route principale de la ville de Goma. Personne ne veut rater les premières images des rebelles qui triomphent.

Apres avoir réfléchi par deux fois, je décide d’aller assister au spectacle. Sur la route poussiéreuse qui longe l’hôpital général, des combattants du Mouvement du 23 Mars(M23) passent, quelques caméramans de « je ne sais quelle télévision étrangère »  filment chaque pas des vainqueurs. Ceux qui viennent de gagner une bataille contre les forces armées de la République Démocratique du Congo, et  l’armée de l’organisation des nations Unies, représentée au pays par la Mission des Organisations des Nations Unies au Congo (MONUSCO).

Une centaine de population est déjà au rendez-vous, la route est pleine des spectateurs plutôt curieux qu’admirateurs. Je rencontre certains de mes amis, nous nous racontons avec un peu d’humour comment nous avons vécu ces moments difficile. « A un moment, j’ai eu juste envie d’appeler ma petite amie pour lui dire combien je l’aime. J’avais vraiment l’impression de ne pas survivre.  » commente un ami. J’éclate de rire.

Quelques coups de balles sont toujours entendus de loin, mais je n’ai plus peur. Je préfère me contenter de l’instant, parce que demain est imprévisible. Je fais une petite marche à pieds vers Katindo, un quartier situé à l’Ouest du centre ville de Goma. C’est là que je vois le premier cadavre de la guerre. Un corps d’un militaire qui a reçu une balle dans la poitrine git par terre devant  une dizaine de personnes  qui ont improvisée un petit cercle. Personne ne semble être surpris ni inquiet.  Le fait est tellement anodin que je me demande si toutes ces personnes s’imaginent que cette personne était vivante seulement quelques heures avant.  Une idée me passe par la tête « A trop pleurer nos morts, nous avons fini par croire que le deuil est un métier ».

En voyant ce cadavre, l’idée de la mort me hante. A Goma, les habitants sont tellement habitués au cimetière qu’aller y laisser un cadavre est devenu presque un plaisir.  Chez nous, on va enterrer les morts en chantant, en criant, et en insultant la police. Mais ce corps immobile là devant moi, aura-t-il droit à un enterrement ? Du coup  je me surprends entrain de penser à la famille de cet homme, cette famille qui doit organiser un  deuil après avoir perdu un être cher, aux enfants peut être à qui on dira votre père était mort dans la guerre, à la veuve qui  n’aura jamais une quelconque indemnité, et qui passera des maisons en maisons pour quémander  du pain, à tous ceux que cet homme représentait quelque chose dans leurs vies.  Et pendant que je pense à tout cela, une personne à coté de moi commente « Pourquoi n’est il pas parti plus tôt ? », comme si ce pauvre soldat avait choisi de mourir dans cette guerre oubliée d’ici.

Pendant que j’y pense, je reçois un appel, je travaille dans le departement de communication  d’une ONG qui  a un hôpital à Goma , et je suis appelé à vite écrire un communiqué de presse qui annonce à la population que l’ hôpital  donne des soins gratuits à tous les blessés de la guerre, civils et militaires.

Je me sens plus ou moins soulagé, au moins je peux encore aider  les survivants. Quelques minutes après, quelques coups balles qui ne font plus peur sont toujours entendues au loin, une ambulance vient me récupérer. Il est 17heures quand j’arrive à l’hôpital .Un médecin me montre quelques photos des blessées qui sont arrivés depuis dimanche soir 18 novembre. Du sang partout, une femme enceinte dont la balle a traversé les cotes, un enfant qui a perdu son bras gauche, un fœtus que les médecins n’ont pas pu sauver. Devant ces images, je tremble, désormais ces images des cadavres  et des blessées  me hantent. J’ecris le communiqué, mais je sais que toutes les radios locales sont fermées à cause de la guerre. Je décide de l’envoyer aux journalistes des radios nationales et étrangères, en priant qu’ils comprennent que dans ce mail si innocent se cache un drame. 19 heures 30, j’ai fini mon travail, quelques coups de balles retentissent encore. Je décide de passer la nuit à l’hôpital.  J’allume la radio pour verifier si elles peuvent déjà emettre. Et bonne chance. Sur l’antenne locale de la radio nationale, des chansons en Kinyarwanda sont balancées. Le Kinyarwanda est langue du Rwanda voisin, mais beaucoup de congolais de l’Est du pays parlent aussi cette langue. Les rebelles accusés d’être soutenus par le Rwanda ont décidément choisie des chansons traditionnelles rwandaises pour fêter leur victoire. Quelques minutes plutard, une voix s’annonce. Le porte parole militaire du M23 tente de rassurer la population et  annonce un meeting  populaire au plus grand stade de football de la ville le lendemain. A ce moment-là, des nombreux cadavres (une soixantaine selon la croix rouge) sont éparpillés sur les grandes artères de la ville. « Tout le monde doit reste chez lui, nous allons nettoyer la ville » annonce Vianney Kazarama.  La nuit est plutôt longue.  Je partage quelques tweets  et publication sur les medias sociaux.  Parce que je suppose que je suis  désormais en lieu sûr, personne ne peut aller chercher un jeune blogueur dans un hôpital.

Plus tard, un peu de sommeil s’annonce dans mes yeux, un petit froid frappe sur la ville. Il amène avec lui la fraicheur du lac Kivu, les bruits des quelques  arbres qui ont assisté de manière indifférente à la guerre.

Le lendemain matin, quand je me réveille tôt le matin, je sais que je dois me rendre à un des lieux le plus stratégique, et peut être le plus dangereux de la ville, la colline de mont Goma, là où se trouve la radio officielle locale,  la seule radio qui émet à ce moment, et que les rebelles utilisent pour leur propagande. Il faut à tout prix que les blessés apprennent à travers la radio qu’ils peuvent avoir accès gratuitement aux soins d’urgence.  J’appelle le chauffeur de l’hôpital qui accepte de m’accompagner. Sur le volant de sa jeep, le chauffeur me rappelle le danger que nous courrons en traversant en cette matinée le petit sentier de la colline d’un demi kilomètre d’altitude. «  Et si cette colline avait été miné, et si les rebelles suspectaient ce vehicule et nous tiraient dessus… ».  Je n’essaie pas de commenter ses idées. Je sais que c’est dangereux, mais que peut etre ce communiqué pourrait sauver quelques vies.

Quelques minutes plutard, nous arrivons au sommet, à l’endroit où se trouve les installations de la radio. Des dizaines des jeunes sont assis par terre, entourés par quelques rebelles lourdement armés. Plutard, nous apprenons que ce sont plutôt les soldats capturés de l’armée congolaise. Nous rencontrons un des chefs rebelles, nous parvenons à le convaincre que le communiqué doit passer à la radio. Le chauffeur me ramène à l’hôpital. Les rebelles tiennent promesses, le communiqué passe à la radio.

Au cours de la journée, des blessés affluent à l’hôpital. Ils ont appris à la radio que l’hôpital offrait des soins gratuits. En deux jours, une centaine sont déjà interné.   Je choisis d’écrire un article pour  raconter l’histoire des blessés qui ont survecu. Les médecins me montrent une femme. Elle était enceinte quand elle a reçu une balle au sein. En arrivant à l’hôpital, les médecins ont décidé de l’opérer, et ont réussi à sortir le bébé prématuré. Longé sur son lit d’hopital, la femme accepte de m’expliquer courageusement son histoire, elle était sortie dehors pour chercher son enfant, quand une balle l’a atteint au sein. Des volontaires lui ont transporté à moto jusqu’à l’hôpital pendant qu’il pleuvait des balles dans la ville.

Je décide d’écrire l’article sur le témoignage de cette femme courageuse qui avait survécu. Le lendemain matin,  mon histoire est prête à être partagé, je me precipite vers l’hopital pour prendre une photo de la femme qui va accompagner l’article. En entrant dans la chambre, je retrouve un lit vide. C’est alors qu’une infirmière m’annonce la nouvelle : « la femme est décédée la nuit ».

Des gouttes de larmes glissent doucement sur mes joues. J’aurais donné volontier ma vie pour que cette femme survive.  C’est seulement à ce moment là que  j’ai pris conscience que je n’étais pas un héros,  que j’étais juste  « humanitaire ».

Comment construire une nation forte et prospère au Congo ? Les réponses de l’exégèse du discours de Lumumba

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Le 30 Juin 1960, la République Démocratique du Congo(RDC) accède à son indépendance. 54 ans après, le pays demeure le meilleur exemple  du chaos. La RDC n’a pas arrêté le chrono sur ses cadavres gisant dans des fosses communes, sur ses femmes violées qui portent la honte dans leurs pagnes, sur ses enfants abandonnés dans les camps des déplacés. Le drame humanitaire dit-on dans le langage onusien.

54 ans après, le pays va mal, la nouvelle génération de « citoyens » du pays a arrêté de croire aux idéaux des pères de l’indépendance. « Construire une nation forte et prospère » est devenue un slogan dont personne ne comprend plus le sens. Les jeunes sortent des universités délabrés et se retrouvent dans les rues, sans emplois. Certains vont renforcer leurs capacités à haïr les tribus voisines dans des groupes armés sur les collines de leurs villages d’origines.  En l’absence d’une autorité de l’Etat capable de définir un intérêt commun, les jeunes rêvent de rejoindre la classe politique corrompue en passant par des milices armés. Renforcer le chaos pour émerger dans les pillages des ressources du pays. Bref personne à l’intérieur ne s’occupe à construire une nation congolaise.  La tache étant réservée parfois au fantôme nommé : « La communauté internationale ».

Sur toutes ses larmes, le pays cherche ce fantôme. S’agit-il conseil de sécurité de  l’ONU dont les nombreuses résolutions sont demeurées lettres mortes ? S’agit-il des casques bleus de la Monusco qui observe depuis quelques années le malheur du peuple congolais ? S’agit-il des organisations non gouvernementales dont des millions d’argent dépensés chaque année sont censés arrêter la misère des congolais ?  S’agit-il des pays occidentaux dont les multinationales sont dans une quête acharnée des matières premières ?

Face à cette quête du vrai messie, les issues ramènent toujours  à la case de départ : « la responsabilité première revient aux congolais ».

« Comment alors le congolais peut-il construire une nation forte et prospère ? »  54 ans après, la réponse à cette question  semble pourtant claire dans l’exégèse du discours de Lumumba prononcé  le 30 Juin 1960.

Dans ce  fameux discours improvisé du 30 Juin, Lumumba n’a pas décrété la fin d’une lutte, il voyait devant lui ces milliers de corps sans vies glissant doucement sur les collines de l’Est, il voyait ces milliers des femmes cachant dans leurs pagnes la honte de viol, il voyait ces multinationales distribuer des Kalachnikov aux enfants en échangent du coltan, mais il a refusé de baisser le bras.

Le 30 Juin 1960, Lumumba a pris conscience que sa vie importait peu. Devant un avenir qui s’annonçait difficile, seule la lutte valait la peine d’être menée, une lutte pour créer un nouvel esprit, un nouveau congo  qui peut miser sur ses citoyens unis et travailleurs, un congo qui lutte contre les discriminations, la corruption, et qui se construit sur la justice, un congo qui croit à la croissance et à l’intégration régionale.

Relire le discours de Lumumba est plus qu’une exégèse du texte du héros national, c’est un appel  à l’action. Une réponse à la question ultime : « Comment allons-nous construire une nation congolaise ?»

Entre les lignes, voici la relecture du discours de Lumumba.

 

Congolais et Congolaises,

Combattants de l’indépendance aujourd’hui victorieux,

Je vous salue au nom du gouvernement congolais.

Aujourd’hui, je ne m’adresse pas à la communauté internationale, je ne dirai pas Sire pour témoigner un respect hypocrite à ceux qui s’enrichissent sur la misère absolue des congolais. Non je m’adresse à vous tous, mes amis, qui êtes prêt à lutter sans relâche à nos côtés, je vous demande de faire de ce 30 juin une date illustre que vous garderez ineffaçablement gravée dans vos cœurs, une date qui va marquer non pas la fin d’une lutte, mais le début d’un long combat pour la liberté,  une date dont vous enseignerez avec fierté la signification à vos enfants, pour que ceux-ci à leur tour fassent connaître à leurs fils et leurs petits-fils l’histoire glorieuse de la prise de conscience, par un peuple de sa dignité et de sa personnalité.

Car cette indépendance du Congo, n’est pas le fait de négociations entre des politiciens congolais et la communauté internationale, mais bien le fait de la lutte du peuple : « une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans laquelle nous n’allons ménager ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang ».

Cette lutte doit continuer. Les plaies de nos blessures congolaises sont et resteront encore fraîches tant que la solution consistant à nous rendre notre patrie ne sera pas donnée correctement et définitivement. La communauté internationale, par le truchement de ses représentants, prétend nous donner notre propre pays, mais nous sommes conscients qu’ils ne sont pas encore prêts à partir, parce que les crimes organisés rapportent à leurs multinationales les plus-values inimaginables. 

Nous sommes conscients que notre lutte va continuer, et va même s’étendre sur des nombreuses années. Nous savons qu’ils vont continuer à essayer de verser nos larmes, à nous massacrer par milliers, à violer notre conscience. Mais nous allons continuer à lutter dans les larmes, les sangs, le feu. Nous en sommes fiers jusqu’au plus profond de nous-mêmes, car c’est le prix d’une lutte noble et juste, une lutte indispensable pour mettre fin à l’humiliant impérialisme qui nous est imposé par la force.

Nous allons continuer à faire face à l’exploitation de l’homme par l’homme, à la discrimination raciale, à la ségrégation, à la répression, à la justice d’oppression et d’exploitation, au pillage de nos ressources, aux guerres meurtrières simulées… mais c’est dans la profondeur de ce chaos que nous allons puiser le courage de bâtir notre propre nouvelle société congolaise.

Mes frères, nous avons profondément souffert. Mais nous avons ici l’opportunité de changer les choses. Plus nous serons unis, mieux nous résisterons à l’oppression, à la corruption et aux manœuvres  de division auxquelles se  livrent les spécialistes de la politique du « diviser pour régner ». 

Notre pays est maintenant entre les mains de ses propres enfants. Ensemble, mes frères, mes sœurs, nous allons organiser notre nouvelle lutte, une lutte sublime qui va mener notre pays à la paix, à la prospérité et à la grandeur. Nous allons établir ensemble la justice sociale et assurer que chacun reçoive la juste rémunération de son travail. Nous allons montrer au monde ce que peut faire l’homme noir quand il travaille dans la liberté et nous allons faire du Congo le centre de rayonnement de l’Afrique toute entière.  Nous allons veiller à une utilisation démocratique des ressources naturelles dans l’intérêt de tous  pour que les richesses de notre patrie profitent véritablement à ses enfants. Nous allons mettre en place des nouvelles lois qui seront justes et nobles.

Nous allons mettre fin à l’oppression de la pensée libre et faire en sorte que tous les citoyens jouissent pleinement des libertés fondamentales prévues dans la Déclaration des droits de l’Homme.

Nous allons supprimer efficacement toute discrimination quelle qu’elle soit et donner à chacun la juste place que lui vaudront sa dignité humaine, son travail et son dévouement au pays. Nous allons faire régner nos pas la paix des armes, mais la paix des cœurs et des bonnes volontés.

Et pour cela, chers compatriotes, soyez sûrs que nous pourrons compter non seulement sur nos forces énormes et nos richesses immenses,  mais aussi sur la coopération sur un pied d’égalité et sans ingérence des  pays étrangers.

 C’est dans ces conditions que nous allons créer un nouveau pays qui sera riche, libre et prospère.

Mais pour que nous arrivions sans retard à ce but, vous tous, politiciens et citoyens congolais, je vous demande de m’aider de toutes vos forces. Je vous demande à tous d’oublier les querelles tribales qui nous épuisent et risquent de nous faire mépriser à l’étranger.

 Je vous demande à tous de ne reculer devant aucun sacrifice pour assurer la réussite de notre grandiose entreprise. Je vous demande enfin de respecter inconditionnellement la vie et les biens de vos concitoyens et des étrangers établis dans notre pays. Si la conduite de ces étrangers laisse à désirer, notre justice sera prompte à les expulser du territoire de la République ; si par contre leur conduite est bonne, il faut les laisser en paix, car eux aussi travaillent à la prospérité de notre pays. L’indépendance du Congo marque un pas décisif vers la libération de tout le continent africain.

J’invite tous les citoyens congolais, hommes, femmes et enfants, à se mettre résolument au travail en vue de créer une économie nationale prospère qui consacrera notre indépendance économique.

Hommage aux combattants de la liberté nationale !

Vive l’indépendance et l’Unité africaine !

Vive le Congo indépendant et souverain !

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Quand la radio affronte les défis de la gouvernance

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En République Démocratique du Congo, la radio reste un outil essentiel pour donner la voix aux communautés.

A côté des medias sociaux qui deviennent de plus en plus utilisés, notamment par les jeunes, la radio continuent de jouer un rôle essentiel pour des populations, souvent éloignées des centres urbains, et qui n’ont pas toujours accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Des émissions produits principalement en langues locales donnent la parole à la population ainsi qu’aux autorités, et abordent entre autres les questions liés  à la bonne gouvernance, plus particulierement  la participation citoyenne, la représentation, la redevabilité, le respect des règles ainsi que la transparence.

A Goma par exemple, la Radio Kivu1 propose l’émission « Perspective », tandisque la radio VBR FM produit « Actus Plus », ou encore les debats«  Zoom sur l’actu » de la radio Mishapi. Tous ces programmes offrent un espace aux hommes politiques de la région d’interagir avec la population sur les questions  d’actualités.  « Nous donnons de l’opportunité aux auditeurs d’envoyer ses sms, et de créer ainsi un débat au studio sur les questions de gouvernance » dit Jonathan Kombi, journaliste producteur de l’émission «  Actu plus ».

Des nombreux citoyens partagent ainsi leurs opinions sur des problèmes variés de la communauté, y compris les actions des élus, et des autorités locales. « Certains politiciens ou membre de la société civile viennent même nous proposer  des sujets sur lesquels ils veulent s’exprimer » assure Jonathan Kombi.

Il est vrai qu’avec l’ouverture de l’espace mediatique congolais, la réticence des citoyens de parler à la radio par peur des représailles diminue progressivement. Mais la méfiance des autorités envers les intervenants dans certaines émissions demeure, et même dans certains cas se renforce.

En  2013, Quand un élu de Goma s’exprime dans l’émission «  Perspective » sur la situation militaire de la région, très vite, il est arrêté par les services de renseignements. 2 jours après, le député national Muhindo Nzangi écope d’une peine de 3 ans de prison ferme pour atteinte  à la sureté de l’Etat.

Les intervenants dans les débats radiophoniques ne sont pas les seuls à être visés par les représailles. Dans une lettre adressée en 2014, au Gouverneur de la province du Nord-Kivu, l’organisation Journaliste en danger (JED) a présenté ses inquiétudes sur la dégradation de la situation sécuritaire des journalistes à Goma. Au cours des 6 derniers mois, 3 journalistes de Goma ont été agressés par des hommes  armés, parmis lesquels un a été assassinné, et un autre amputé de sa jambe.

A l’Est de la Republique Democratique, il n’est pas rare d’ecouter les journalistes se plaindre des relations tendues  avec les autorités à cause des émissions qu’elles ont produites. « Certaines autorités n’acceptent même plus de répondre à nos questions pour  donner leurs avis sur un sujet donné, ou réagir à la critique. » assure une journaliste de Goma.

Les représailles contre les journalistes ne sont  cependant pas le seul fait des acteurs étatiques. En 2014, un journaliste de Goma a été tabassé après avoir essayé  de réaliser un reportage sur un sujet de détournement des fonds par un responsable d’une école privé de la ville de Goma.

Ces cas, comme tant d’autres, illustrent les défis auxquels  sont confrontées les radios sur les questions de la gouvernance. Dans un contexte diffèrent, ils illustrent aussi la responsabilité de la radio.

La Radio Télévision de l’Unité ( RTU) émettant dans le territoire de Kongolo en province du Katanga,  a produit une émission sur la gestion du cercle sportif locale. Le sport constitue une activité importante pour la population de Kongolo. Le gestionnaire du cercle sportif de Kongolo était  accusé par la population de manque de transparence dans la gestion du cercle. Les journalistes de la RTU ont produit une émission où ils ont donné la parole à différentes personnes, y compris le gestionnaire du cercle sportif. Apres que l’émission ait été diffusée à la radio, le gestionnaire n’a pas apprécié que les journalistes aient donné la parole aux critiques de son action. Le gestionnaire du cercle sportif  a menacé les journalistes,  en essayant de le faire incarcérer. Mais la police locale n’a trouvé aucun fait infractionnel  dans l’émission.  Pendant ce temps, les équipes sportives de Kongolo ont réagi à l’émission en demandant des comptes auprès de leurs dirigeants.  Plutard, une pétition a été  initiée  pour demander le départ du gestionnaire du cercle sportif. quelques jours plustard un nouveau comité de gestion du cercle sportif a été élu officiellement.

En RDC, les jeunes journalistes des radios  sont souvent accusés d’amateurisme, et de ne pas respecter le code d’éthique et de la déontologie du journaliste.

La formation et la professionnalisation des jeunes journalistes constituent certes des grands défis sur lesquels les partenaires doivent continuer à travailler avec les radios, au côté des autres défis comme les problèmes financiers, les difficultés techniques, ainsi que la faible représentation de la femme. Mais il faut éviter que ces premiers défis ne soient un prétexte pour les autorités d’empêcher les radios à jouer pleinement leurs rôles.

Dans une série d’ateliers de formation sur la communication stratégique axée sur la bonne gouvernance que j’ai facilité dans le cadre d’un programme d’appui aux radios du Katanga ,  des discussions entre les journalistes, les autorités locales et les responsables de la société civile ont été ouvert. Ces discussions ont tourné sur les meilleures façons de travailler avec les radios locales pour améliorer la collaboration entre les autorités et population.Au cours des débats, il est ressorti que les dirigeants peuvent tirer plus de bénéfices s’ils collaborent efficacement avec les radios. La radio peut aider les responsables locaux à faire mieux connaitre les actions prises, les prestations rendus, et à mobiliser la population.

Rumeur sur la mort de Kagame, les congolais plus pire que dans tintin au Congo ?

Scène de liesse à Goma, les medias sociaux alimentent la polémique. Vendredi 10 Janvier 2013, quand une rumeur sur la mort du président Rwandais  circule sur les medias sociaux à Goma, des nombreux habitants se jettent dans les rues pour célébrer la nouvelle. Mais très vite, la présidence rwandaise dément la nouvelle : « Paul Kagame reçoit des étudiants américains au village Urugwiro ». Quelques instants après,  les gomatraciens mettent fin à la fête, et quittent la rue.  Pendant ce temps, sur twitter, la polémique ne fait que commencer.

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D’abord c’est la Monusco qui doit expliquer une photo prise par une jeune journaliste de ville de Goma. Esther Nsapu, journaliste à Goma , a fait circuler sur twitter une photo sur laquelle on aperçoit un camion de la Monusco remplie des jeunes en liesse. Des journalistes de  Inner City Press ont demandé sur twitter au chef de la Monusco de commenter la photo. Apres un temps, Martin Kobler a écrit « Ceci apparait de toute évidence comme une utilisation frauduleuse d’un véhicule de la Monusco. C’est inacceptable ».

Plus tard dans un communiqué de presse, la Monusco a expliqué que « le camion a été pris par des manifestants lors d’une mission régulière, et que le chauffeur était seul et désarmé lorsque l’incident s’est produit. »

Pas convaincue de cette explication, un diplomate rwandais a relancé la polémique. Olivier  Nduhungirehe, le représentant du Rwanda aux nations unies  a demandé à nouveau à Kobler de s’expliquer sur une nouvelle vidéo de Voice of Congo, dans laquelle on voit des jeunes s’agripper au-dessus d’une jeep taggée UN. Cette fois, pas de réaction de Kobler. Même si dans la vidéo, on voit clairement le chauffeur arrêter la jeep, et demander aux jeunes de descendre. Selon un article publié par Matthew Russell Lee d’Inner City Press, citant une source aux nations unis, Martin Kobler devra s’expliquer devant le conseil de sécurité de Nations Unies, le 13 Janvier au cours des consultations sur la Monusco et la région des grands lacs. « Cette polémique autour de gens dans un camion taggé MONUSCO, du chantage inutile » peut-on lire le compte twitter de la Lucha, un mouvement révolutionnaire de jeunes congolais très actifs à Goma.

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En même temps, le représentant Rwandais au Nations Unies a débuté une autre polémique. Sur sa page twitter, Olivier Nduhungirehe a écrit : «  C’est le moyen âge au Congo, plus pire que dans la caricature Tintin au Congo ». Très vite, les réactions ne se sont pas faits attendre. « Estimez-vous civilisé de traiter les Congolais de primitifs? Oui ? Ou vous excusez-vous? » lui a répondu la Lucha.  « Utiliser une caricature raciste pour désapprouver le comportement de quelqu’un n’est pas digne d’un frère respectable »  a renchérit Robert Karenzi, un autre twitteur. « Tintin n’est pas plus raciste que les manifestants congolais contre les Rwandais, en particulier les Tutsis» a tout simplement répondu le diplomate rwandais.

Bye bye 2013, l’heure est au bilan

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Depuis quelques années déjà, quand arrive Décembre, je fais un petit bilan de l’année en cours. Et je le partage volontiers. Loin de me dénuder, je pense que les expériences s’accroissent quand elles sont partagées.

L’année 2013 a été pour moi une superbe année.  Mes objectifs ont été globalement atteints.  Même si au fil des jours, j’ai dû les revoir à la baisse pour rester en même temps réaliste et positif.

Sur le plan professionnel, j’ai  changé d’emploi. Signer un nouveau contrat de travail dans une nouvelle organisation a été une étape cruciale au cours de cette année 2013. En Avril, J’ai dû quitter ma ville de Goma, et aller travailler à Kalemie, une petite ville situé sur le bord du lac Tanganyika dans le Nord du Katanga.

Ce travail a été formidable, Il consistait à travailler avec les radios locales et la société civile pour développer des activités de communication autour de la bonne gouvernance dans le district de Tanganyika. Ce travail m’a permis d’apprendre à mieux développer des concepts de communication participative avec les communautés locales et  à partager mes connaissances avec les journalistes locaux.  J’ai rencontré des dizaines de personnes, qui m’ont appris à planifier, à communiquer, et à travailler en groupes.

En 2014, Je compte rentabiliser ces acquis, prendre des bonnes habitudes de travail pour me concentrer sur la qualité de mes résultats. La première étape sera bien sûr de trouver un nouvel emploi, qui puisse en même temps me permettre à continuer à progresser, et à mettre en place des projets pour mon développement personnel.

Sur le plan physique, malgré le changement de climat (A kalemie, il fait chaud) j’ai gardé une bonne santé. J’ai certes beaucoup travaillé, j’ai quitté toujours tard le bureau, j’ai été  épuisé. Mais à chaque fois, j’ai profité de la fraicheur du lac Tanganyika pour prendre un peu de repos. J’ai même pris mes premières leçons de natation sur ce lac. C’est curieux comme l’eau a des vertus vraiment curatives. Parfois j’ai eu des maux de tête, mais quelques Efferalgan ont suffi. Je n’ai pas été hospitalisé une seule fois au cours de cette année. En 2014, je vais continuer à me rassurer que je garde une bonne santé, et que je prends toutes les précautions pour me protéger efficacement contre certaines maladies contagieuses et infectieuses.

Sur le plan intellectuel, j’ai d’abord accru fortement mes connaissances dans la gestion  des projets communautaires. Je pense que je suis prêt à prendre plus de responsabilité que celle que j’ai eue au cours de cette année 2013. C’est aussi pour cela que je me suis inscrit à un cours à distance sur la communication. En 2014, je veux consacrer un peu plus de temps pour réaliser terminer ce cours et obtenir mon diplôme. Je veux aussi me rassurer que j’atteins un niveau acceptable en anglais parlé et écrit.

Sur le plan affectif, j’ai développé des nouvelles relations, j’ai rencontré des nouveaux amis, grâce à qui j’ai appris à me rapprocher davantage des autres. J’ai passé plus de temps avec des personnes plus âgés que moi. J’étais en même temps fier et frustré que ces nombreuses personnes m’appellent « Papa Wassy ». Une marque de respect pour eux, mais un appel à plus de responsabilités pour moi. Mes parents ont continué à m’offrir des conseils, et à m’orienter dans mes choix. Je suis resté très proche de ma famille. J’ai continué à participer activement à maintenir des liens fraternels avec mes frères et sœurs  à Goma, et ceux que j’ai trouvé dans ma famille d’accueil à Kalemie.

En 2013, j’ai été déçu, ou peut être j’ai déçu. Mais le plus important est que j’ai apporté un peu plus de sourire dans la vie d’une fille, qui à son tour m’a apporté sa part du bonheur et de stabilité.  En 2014, je vais continuer à maintenir cette relation, à construire des ponts durables pour que celle-ci s’étendent à ma famille et à la sienne. Pour atteindre cet objectif,  je sais que je dois continuer à mettre une certaine somme d’argent de côté (que je dois donc gagner).

Sur le plan social, je suis resté actif sur les medias sociaux, j’ai accru mon activisme sur twitter et développé ma liste de partage des mails,  ce qui m’a permis de partager des informations sur la situation du pays. J’ai beaucoup lu, j’ai beaucoup partagé. Je me suis aussi impliqué dans plusieurs causes qui visaient principalement la construction de la paix. Même en étant loin de Goma, j’ai contribué à l’organisation de plusieurs évènements dans cette ville du Nord Kivu. Je suis surtout resté très proche des associations et initiatives de jeunes de Goma. J’ai contribué à mettre en place un concept sur « l’art de la paix ». En 2014, je voudrais continuer à apporter mon appui pour les initiatives de paix. Je vais surtout m’impliquer dans des initiatives artistiques et culturelles, qui font participer les jeunes de la région de grands lacs dans la construction et la consolidation de la paix.

Sur le plan du développement personnel, je suis satisfait d’avoir vécu une de mes plus grandes passions. Voyager. En 2013, j’ai beaucoup voyagé. Même si j’ai eu peur toutes les fois que je suis monté dans un avion, j’ai toujours ressentie après, le même plaisir qu’on a quand on atterri sur une nouvelle  piste : Une nouvelle aventure. un nouvel environnement,  des nouvelles rencontres, des nouveaux défis. En une année, j’ai  été par exemple dans les capitales du Rwanda et de l’Ouganda,  ainsi que dans un village Zambien. En une année, j’ai découvert une bonne partie de la province minière du Katanga : Kongolo, Kabalo, Kalemie, Manono, Lubumbashi, Kipushi, Likasi, Kambove.   En 2014,  je voudrais continuer à avoir des opportunités de voyager. J’ai hate de découvrir des nouveaux coins du pays et du monde.

En définitive, 2013 a été une année  assez riche en évènements, et m’a permis de beaucoup progresser. J’ai compris que je dois  avoir des objectifs pas trop élevés, mais seulement  suffisant pour me motiver, qui devront augmenter chaque année, plutôt que des trucs trop élevés qui font peurs et dont on ne sait pas trop comment gérer le plan d’action.

Je prie Dieu pour que 2014 soit aussi une année de plus de progression, et  d’expériences  intéressantes. En attendant, Je continue donc mon bonhomme de chemin, avec des projets plein la tête pour  cette nouvelle année qui commence dans quelques jours.

C’est confirmé, le prochain prix nobel de la Paix sera attribué aux femmes de l’Est de la RDC

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Lettre de Lumumba à Chantal Faida

Ma chère et tendre fille Faida,

J’apprends de ton billet  que tu as offert un prix en mon nom au Dr Denis Mukwege.  Je viens de lire dans les medias que c’est un homme bien, et qu’il traite les victimes des violences sexuelles à l’Est du pays. C’est triste que les femmes congolaises continuent à subir des telles atrocités, 52 ans après que j’ai offert ma vie, dans une lutte sublime, qui devrait mener notre pays à la paix, à la prospérité et à la grandeur.

Ma chère fille,

Tu sembles être déçu qu’une organisation occidentale n’ait pas donné le prix nobel de la paix à ton héros vivant. Mais ma fille, as-tu oublié que notre lutte est celle du dedans ? Ne t’ai-je pas dit qu’il faut construire chez nous la fierté, comme il faut animer nos deuils chez nous ? Rappeles toi du soir où nous etions assis sur les bords du fleuve congo à raconter les histoires de chez nous . Je t’avais dit deux choses :

« Si tu veux offrir des cadeaux, va voir le chef hemba ou encore  le chef luba, ils t’offriront des masques. ».

« Si tu veux pleurer tes morts, invite les pleureuses de Nkamba, et demande les tamtams du Kivu. »

C’est ça, ma chère fille,

N’oublie jamais ça, et ne te plains pas qu’une organisation autonome donne un prix à qui elle veut. J’ai appris que Bashar voulait aussi ce prix, et que des nombreux journalistes l’avaient déjà attribué à la petite Malala. C’est cela la liberté, une valeur pour laquelle je me suis battu jusqu’à ma mort.

Ma fille,

Hier soir, j’étais à table avec Alfred Nobel, je lui ai demandé s’il regrettait que son prix ait été donné dans la lutte contre les armes chimiques. Ça va te surprendre, ils ne savaient même pas que ce prix avait été accordé. Ici on n’a pas les mêmes priorités que là-bas.

Alors je lui ai montré les articles de presse. Je lui ai aussi fait lire ta lettre, et là j’ai vu qu’il était intéressé, et qu’il voulait en savoir un peu plus de cet homme qui avait traité, tu as dit, quarante milles femmes violées.  Ce chiffre si hallucinant lui rendait fou, qu’il a failli éclabousser toute la table, en s’exclamant comme toi :

 « comment est-ce possible de détourner mon un million de dollars ? ».

Tout le monde à table était alerté. Des très curieux comme Thomas Sankara ou encore Simon Kimbangu sont venus se joindre à la discussion.

Nous avons passé la nuit à visiter le site internet de l’hôpital du docteur, ici le 1000G+++ fonctionne déjà.

En parcourant le site interne de l’hopital de Panzi, Nobel est devenu calme. lui comme nous venions de découvrir que l’exclamation de Nobel s’était fondée sur une erreur de ta lettre.

En effet, un rapport posté sur ce site disait que depuis ses debuts en 1999 et jusqu’à la fin 2012, l’hôpital de panzi avaient prise en charge 19 270 survivantes de violences sexuelles. Ce qui signifierait que le gynecologue avait soigné en moyenne quatres patientes par jour.  » Mais c’est normal qu’un medecin soigne 4 patientes par jour  » s’est exclamé Nobel, avant de se rendre compte que ce chiffre de 19270 etait encore plus globalisant. Aucun chiffre ne disait combien parmi ces femmes avaient été victimes du viol. Aucun chiffre ne disait combien parmi les victimes du viol avaient eu des problèmes de fistules ou de prolapus. Aucun chiffre ne disait combien parmi les victimes du viol qui avaient eu des problèmes de fistules et de prolapsus avaient été soignées directement par le célèbre docteur.

Nobel était un peu déçu, mais très vite, l’espoir revenait dans ses yeux, des photos qui montraient des femmes à l’hopital de Panzi défilaient à l’écran. Deux femmes vêtues en robes roses portaient des bébés au dos, la photo semblait vraiment plaire à Nobel, alors il s’est exclamé :

« Pourquoi est-ce que Mukwege devrait obtenir ce prix et pas toutes les braves femmes de l’est du Congo qui ont réussi à survivre et à prendre soin des familles ? »

Tout le monde a trouvé qu’il avait raison. Nobel a promis d’influencer le jury pour  2014.

Et voici la bonne nouvelle ma chère fille,

Le prochain prix Nobel de la paix sera accordé aux femmes de l’Est de la République Démocratique du Congo, tiens-toi prête, tu en fais partie.

Oh ma chère fille,

Je te laisse. Jean Paul vient de commencer la prière du soir.

Depuis l’au délà, ton père.

Patrice Emery Lumumba

 

Sur le bord du fleuve Congo, j’ai vu les dieux de l’enfer

Dans un village de la province du Katanga en République Démocratique du Congo, les habitants sont convaincus de se retrouver sur les portes de l’enfer.

Le village Kalawa Messo est situé sur le bord du fleuve Congo. Il offre chaque année l’hospitalité à des nombreuses personnes en quêtes des dieux et des solutions aux « difficultés de la vie ». Ces personnes viennent offrir des sacrifices au plus puissant dieu de la région, le dieu Nyange, en échange des bénédictions.

Pour arriver dans ce village, j’ai dû suivre à pied un long sentier poussiéreux, traverser quelques rivières, descendre dans un ravin, avant de remonter sur une petite colline. Une dizaine de maisons en pailles s’alignent en parallèle au bord d’arbres des manguiers. Quelques enfants  jouent avec un ballon fabriqué avec des sachets usés, trois femmes assises à même le sol tissent les nattes. Plus loin, dans une petite église sans toit, on aperçoit quelques jeunes gens qui tapent des morceaux de bois sur un gros tronc d’arbres, en entonnant des cantiques dans la langue locale.

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Le chef du village est descendu de son vieux vélo pour me conduire à sa résidence. Une maison en paille un peu plus grande que les autres du village. J’essaie de m’essuyer quelques gouttes de sueurs avec mon bras gauche. Le chef m’apporte dehors une petite chaise en bois. Il interrompt les petits qui jouent au foot, et leur crient quelques mots dans la langue locale.la partie est finie, les petits parcourent les maisons du village en courant. Quelques minutes plutard, je me retrouve entouré par un groupe d’anciens qui me jettent des regards à la fois admirateurs et méfiants.  Ici le chef ne reçoit pas seuls les visiteurs. Je sors  mon dictaphone numérique, décide de commencer mon interview par une question qui me paraissait toute bête : « C’est quoi les portes de l’enfer ? » Avec un sourire un peu moqueur, le chef Messo est plutôt satisfait de l’ignorance de ce jeune « journaliste » . « Mais c’est clair, si tu veux rencontrer notre dieu, tu dois passer par une porte ». Le calme du chef me surprend. Je m’efforce de dissimuler ma peur. Ayant grandie dans une famille chrétienne, j’ai horreur de l’enfer. Depuis mon plus jeune âge, j’ai appris que l’enfer était un brasier sur lequel les gens marchait pieds nus en pleurant toute leur vie.

« Notre dieu (un dieu en enfer ?) est très puissant, il y a des gens qui sont venus ici, et qui ont eu des postes de grande responsabilité dans ce pays » me confie le chef Messo. C’est lui qui détient le secret.

Selon la légende de ce village, nul ne peut rencontrer le dieu Nyange,  s’il n’est pas passé par le chef Messo.

« Le gouvernement congolais devrait faire de ce village un site touristique » annonce avec fierté le chef Messo, avant de m’offrir une visite gratuite jusqu’aux portes de l’enfer. Quelques instants plutôt, j’ai appris que les simples visiteurs payent au moins dix milles francs congolais, et que ceux qui veulent parler avec les dieux apportent des chèvres et des poules blanches.

Avec le chef Messo, je traverse un nouveau sentier poussiéreux accompagné de deux autres jeunes du village. Un petit vent souffle et soulève de temps en temps quelques feuilles mortes. Le soleil se pointe à l’horizon comme pour rappeler que la fin de la journée approche. Vingt minutes plutard, les ruissellements des eaux du fleuve congo me tapent à l’oreille, le chef Messo m’annonce qu’on est à quelques mettre de la destination, et me montre au loin quelques poules blanches offertes en sacrifice par mes prédécesseurs.

Emporté par l’idée d’être sur le point d’arriver en enfer, malgré tous les  milliers de « Notre père » récités à l’église depuis mon enfance, le chef Messo me fait subitement revenir sur terre. « Voici le dieu Nyange, et voilà ses enfants » m’annonce-t-il. Devant moi, les eaux du fleuve congo m’empêchent d’atteindre le dieu, Ce gros ilot de pierres qui s’imposent à mes yeux en face de moi. Ici la famille de Nyange a choisi de prendre l’image des pierres.

Tension à la frontiere Goma-Gisenyi

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    La situation est resté tendue ce dimanche à Goma, après qu’un militaire congolais (FARDC) ait été arrêté par les services de sécurité rwandais dans la zone neutre qui sépare la ville congolaise de Goma et celle Rwandaise de Gisenyi   dimanche 15 septembre 2013.

    Selon les témoins sur place, le soldat congolais était dans la zone neutre quand  trois sujets  rwandais en tenue civile l’ont encerclé, avant de l’embarquer à bord d’une jeep à destination de Gisenyi au Rwanda voisin.

    Très vite, des nombreux citoyens congolais se sont réunis à la petite barrière sur la frontière congolo-rwandaise pour réclamer la libération du soldat congolais. Le maire adjoint de la ville de Goma, Juvénal Ndabereye a appelé la population au calme, en la rassurant que les démarches pour la libération du soldat congolais étaient en cours.  Vers la fin des après-midi, la petite barrière qui sépare Goma de Gisenyi est resté fermée, et les négociations entamées  par la hiérarchie militaire à Goma n’ont pas encore  donné des résultats escomptés.

    Mercredi dernier, 1 policier Congolais qui se soulageait dans une toilette dans la zone neutre avait été arrêté et battu par les agents de service de sécurité rwandais.

    La zone neutre qui sépare la ville congolaise de Goma et  celle rwandaise de Gisenyi s’est sensiblement rétrécie ces quinze dernières années après que le Rwanda ait crée un nouveau quartier résidentiel communément appelé RCD, en souvenir de l’ancien mouvement rebelle du rassemblement congolais pour la démocratie( RCD Goma).

     

    Wassy Kambale